Auteur/autrice : Dooplé Danse

Dépoussiérer notre vision de la danse sur la scène africaine

Quelle importance des danses traditionnelles et contemporaines sur la scène africaine ?

Création chorégraphique A. Tierou

Création chorégraphique Alphonse Tierou (photo: droits réservés)

La danse traditionnelle constitue une banque de données d’une richesse inestimable. Elle fait tomber les barrières et les tabous. Elle fabrique le groupe, se nourrit de lui et l’entretient. Entrer dans la danse, c’est entrer dans le groupe, synonyme de partage, de convivialité. Elle a donc une fonction d’intégration sociale.

La danse traditionnelle permet aussi de dire l’indicible. Souvenez-vous du célèbre footballeur, le camerounais Roger Milla, à la coupe du Monde de foot en 1990, qui se mit à danser après avoir mis un but. Ou de Nelson Mandela suite à son élection à la présidence de la République d’Afrique du Sud en 1994.

La création chorégraphique interpelle, remet en cause…

Aujourd’hui, il est question de danse contemporaine dans les capitales africaines. Pour des raisons complexes, je préfère parler de création chorégraphique innovante, une nouvelle approche qui privilégie l’imagination et l’invention. Cela dit, l’indépendance politique est une chose, l’indépendance économique en est une autre. À ce titre, danses ancestrales et création chorégraphique diffèrent. Les premières sont dépensières, elles ne créent presque pas de richesse. Leur apprentissage se fait par immersion. En revanche, la création et la production d’un spectacle chorégraphique, au-delà de la dimension artistique, nécessitent une formation rigoureuse, créent des emplois et peuvent être avantageuses en termes d’images.

La création chorégraphique interpelle, remet en cause, privilégie le questionnement, forge l’esprit critique. Par ses règles de composition et les sujets qu’elle traite, elle nous enseigne, entre autres, qu’en société, il n’y a pas de liberté sans contrainte. La création chorégraphique est donc une contribution à la formation du citoyen et de la citoyenne au sein de nos jeunes démocraties.

La danse traditionnelle, c’est la sensibilité, l’histoire et la mémoire des peuples d’Afrique

Pour conclure, soulignons que la danse traditionnelle, c’est à la fois la sensibilité, l’histoire et la mémoire des peuples d’Afrique. Elle doit faire l’objet d’une protection attentive parce que sans mémoire, il n’y a pas de civilisation. Quant à la création chorégraphique africaine innovante, qualifiée de danse contemporaine, elle est incontournable pour les sociétés africaines de demain. Pour jouer pleinement son rôle, elle doit s’épanouir en plongeant ses racines dans la terre nourricière, tout en s’ouvrant aux valeurs des autres civilisations afin de participer à l’Universel.

Alphonse TIEROU
Chercheur, Chorégraphe, Écrivain
Directeur du Centre de Ressources, de Pédagogie et de Recherche pour la Création africaine

 

Cinq idées reçues sur les cours de danse africaine

tambour_parleur

Tambour parleur (photo Centre Dooplé/RPRCA)

Nous entendons beaucoup d’idées reçues sur les cours de danse africaine. Nous en partageons quelques-unes avec vous, démystification à l’appui.

 

  1. Un bon professeur de danse est un initié

Que veut dire ce mot « initié », cheval de bataille des spécialistes de la culture africaine ? L’expérience montre que, souvent, c’est un mot employé pour camoufler l’ignorance. Permettez-moi de vous affirmer que, dans la culture africaine, une même danse peut être profane ou initiatique. Tout sera fonction du lieu, du moment et aussi de l’intention de l’auteur de la danse, voire chef du village ou de famille, etc.

 

  1. Un bon percussionniste de danse doit être formé par des griots

Savez-vous que le terme « griot », créé par un curé pour les peuples d’Afrique, est on ne peut plus péjoratif ? Lisez Paroles de masques. Un regard africain sur l’art africain.

Un bon percussionniste de danse est un tambourinaire qui traduit instantanément les pas de danse en notes de musique. Cette technique et ce talent s’acquièrent au travers de nombreuses années d’études et de pratique.

 

  1. Un bon percussionniste de danse sait faire parler son tambour

Ne pas confondre percussions de danse et drummologie ! Je vous renvoie aux travaux du célèbre professeur Niangoran-Bouah de l’université d’Abidjan. Un drummologue n’est ni un musicien de concert, ni un percussionniste de danse. C’est un maître qui fait parler le tambour. Chez certains peuples, il est le troisième personnage du royaume, voire de l’État.

 

  1. L’ethnologie aide à comprendre la danse africaine

Un ethnologue ou un anthropologue n’est ni un artiste-danseur ni un chorégraphe, ni même un théoricien de la danse africaine. Son approche de la culture africaine est autre. Savez-vous que l’ethnologie est une discipline née sous la colonisation ? Savez-vous aussi qu’elle était au service de la propagande coloniale (Le Monde des 9 et 10 avril 2000) ?

Rappelons que, pour l’enseignement de la danse classique à l’Opéra de Paris, on ne se réfère ni aux ethnologues ni aux anthropologues français et/ou européens, mais à des chorégraphes comme Pierre Beauchamp (XVIIe siècle), ou à de grands artistes – danseurs et danseuses, comme Marie Taglioni (1804-1884). La danse est une discipline artistique à part entière. Dans l’absolu, elle se suffit à elle-même. Autrement dit, elle n’a pas besoin d’aller chercher, dans d’autres disciplines, la théorie de la danse. Sur la théorie et sur la pratique de la danse africaine, je vous invite à lire Alphabet de la danse africaine.

 

  1. Nommer les danses donne du sens. Par exemple, « la danse de la séduction » des jeunes femmes

Exemple éloquent. Pouvez-vous me décrire ce qui caractérise cette danse de séduction ? Chez beaucoup de peuples africains, les jeunes femmes et les jeunes gens déclarent leur flamme par la danse. C’est dire que ce type de danse ne concerne pas que les jeunes femmes. Cette expression « danse de la séduction » non seulement est impropre, mais elle a été créée par des ethnologues et anthropologues qui aiment bien donner des noms aux actes africains.

Alphonse TIEROU

Quand Néfertiti s’invite dans la danse africaine !

Saviez-vous que l’on peut s’inspirer des grandes civilisations africaines pour créer des chorégraphies !

NéfertitiL’Afrique a connu de grands empires, des rois et des reines, qui ont marqué leur temps et qui résonnent encore dans notre imaginaire collectif.

Imaginez des cours, des stages des spectacles de danse africaine qui sortent des sentiers battus. Ils sont le fruit d’une recherche en danse qui se nourrit des civilisations égyptienne et de l’Afrique subsaharienne.

Par exemple, il y a des cours de danse consacrés :

– à la reine Néfertiti célèbre pour sa beauté légendaire et épouse d’Akhenaton (1372-135 AV JC), roi appartenant à la XVIIIe dynastie (1580-1320 AV JC) ;

– aux mystères d’Osiris (Dieu de l’ancienne Égypte, époux d’Isis et père d’Horus) ;

– aux piquiers avec boucliers de bois et de cuir (première période intermédiaire 2200-2060 AV JC) ;

– aux archers nubiens (même période) ;

– à la gestuelle révélée par les temples et monuments égyptiens ;

– à l’empereur Soundiata Kéïta (Empire du Mali XIII-XVe siècle) ;

– à l’agbadja à la Cour du roi Justin Aho à Abomey en 1954 ;

– à la gestuelle révélée par les Kmin des Glaé ou Masques de Sagesse ;

– au bâton, symbole de souveraineté, de puissance et de commandement, tant dans l’ordre intellectuel et spirituel que dans la hiérarchie sociale.

Un tel enseignement nous rend sensible à cette pensée du Masque africain :

« En matière d’art, le Beau n’est que la saillie de l’utile. »

On est loin, très loin des cours, stages et spectacles de danse africaine qui font croire que la création chorégraphique africaine passe nécessairement par l’imitation, la copie ou la parodie des danses classique, moderne ou contemporaine. Oui, la création existe en danse africaine.

Pour plus d’informations sur la danse africaine méthode Tierou, retrouvez-nous sur www.tierou-doople.com.

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En Côte d’Ivoire, un joyau de la culture africaine est menacé. Le monde .fr

Dans un article pour le monde.fr, Alphonse Tierou nous parle de sa vision :

En Côte d’Ivoire, un joyau de la culture africaine est menacé.

LEMONDE.FR | 15.04.11 | 09h58  •  Mis à jour le 15.04.11 | 09h58

Tandis que chacun des deux camps belligérants de Côte d’Ivoire s’accroche à sa vérité, c’est la vérité de l’Afrique qui est mise en péril… Lire la suite de l’article.

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